Cockpit est une série audio de ALTacchino (qui avait signé l’excellente fiction ROY dont je n’avais malheureusement pas parlé ici à l’époque) qu’il interprète en compagnie de Neil-Adam Mohammedi. Elle est mise en son par Lou Cuberte et Florian Daniel.
9 mois, c’est le temps qu’il faudra à Voltaire et Platini pour traverser la galaxie et récupérer les pièces nécessaires à la réparation de leur vaisseau « mystérieusement » détruit lors d’une précédente aventure. La mission serait assez simple si… elle était officielle. Mais les 2 compères de la patrouille de France ont un peu de mal à obéir aux ordres…
La série (10 épisodes et un financement participatif terminé pour la saison 2) joue avec les codes du space-opéra en transposant l’action dans un huis-clos cockpito-centré. Ca tchatche, c’est trash et poétique en même temps, ça vanne pas mal mais pourtant, la fiction n’oublie jamais de nous faire vivre une véritable aventure spatiale. Un petit bijou de mixage et de sound-design avec des invité·e·es hauts en couleurs qui en font une série à ne surtout pas rater. Ma préférence va à l’épisode 6 (Odeur de danger) qui est une masterclasse d’écriture et d’interprétation.
En attendant de vous jeter sur cette excellente fiction, une nouveauté dans cette édition de la revue d’été : je vous propose une interview en 5 questions de Alex Tacchino, scénariste et interprète de Cockpit..
5 questions à Alex Tacchino
1) Bonjour Alex, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours jusqu’à la fiction sonore ?
Je suis acteur, à la base. J’ai commencé assez tôt dans le long-métrage Neuilly sa mère.
À la suite de ce film, j’ai tourné pas mal, tout au long mon adolescence. Beaucoup de projets à la télévision, quelques belles rencontres, mais trop peu d’histoires enrichissantes. Si j’ai toujours voulu être acteur, c’est pour me mettre dans la peau de personnages intéressants, dans leurs dilemmes, des personnages qui ont des choses à défendre, découvrir de vrais sujets, travailler avec de véritables passionnés. C’est tout ce que la télé ne me proposait pas.
Il fallait que je prenne une décision forte. Je me suis mis à trier les projets dans lesquels je ne voulais plus jouer, quitte à ne plus vivre du métier d’acteur. Je suis parti bosser dans un restaurant. C’est dans ce moment de grande remise en question que je me suis mis à écrire et que j’ai réalisé que si personne ne me proposait d’histoires engagées et engageantes, je pouvais toujours le faire moi-même.
Très vite m’est venu l’idée du son pour mettre en lumière mes histoires. Si l’image paraissait impossible et beaucoup trop chère, le son pouvait m’apporter une liberté gigantesque… J’étais loin d’imaginer à quel point.
2) Après Roy, la rencontre entre un souverain et un rappeur qui vont apprendre l’un de l’autre, on vous retrouve dans le Cockpit d’un vaisseau spatial à écouter les vannes et anecdotes que se balancent les deux pilotes. Le dialogue entre deux personnes, c’est ça qui vous plaît dans la fiction sonore ?
En découvrant la fiction sonore, j’ai découvert un monde. La science du rythme, l’importance de l’immersion…
Le but c’est de prendre l’auditeur par la main, le plus vite possible, le plonger, par l’intermédiaire d’une histoire, dans son propre imaginaire. Alors oui, les dialogues sont très importants dans cette quête. Dans ROY, les dialogues sont « rares », c’est la voix off qui leade et entraine l’auditeur.
J’avais envie, dans Cockpit, de faire du dialogue un enjeu majeur, installer un ping pong entre les deux, laisser libre court aux punchlines qui me traversent parfois la tête.
C’est un exercice que j’ai profondément aimé. Quand on installe un dialogue on découvre ses propres personnages, on se laisse souvent surprendre par l’un d’eux. C’est ça la magie du dialogue. Pour autant, ce qui m’anime dans une fiction sonore, ce ne sont pas uniquement les dialogues, c’est l’ensemble des ingrédients que l’on doit réunir pour plonger l’auditeur dans une histoire, lui faire accepter qu’il n’y aura pas d’image, mais que ça sera bien quand même.
3) Comment avez-vous travaillé sur ce projet ? Il y a une part d’impro ? On retrouve un rythme et une complicité excellents : c’est quelque chose qui vient de l’écriture, de l’acting, des deux ?
On a eu la chance de pouvoir enregistrer en studio, gratuitement, grâce à la débrouille, grâce, surtout, à de bons complices. Sur les épisodes « pilotes » on enregistrait chacun notre tour chez moi, sous mon étendoir à linge, couvé par une couette. C’était pas idéal. Du coup, pouvoir enregistrer en studio Neil (Platini) et moi, en même temps, ça a été pour nous une véritable libération. Evidemment ça s’est ressenti au niveau du jeu, dans le rythme aussi, on a pu trouver une complicité, des automatismes.
Pour l’impro, ça dépend. Rien n’est fixé dans le marbre et on se laisse le droit de changer des mots, des phrases, de rajouter des punchlines et de se surprendre. Mais dans un fiction comme Cockpit où le rythme est primordial, on s’est vite rendu compte qu’on ne pouvait pas s’éparpiller trop loin du texte. En fait, l’impro arrive avant, quand on répète. Ensuite on se fixe sur quelque chose et on reste là-dessus.
La surprise ne vient pas de l’impro mais des intentions de jeu.
Cette complicité, elle existe grâce au fait que Neil et moi sommes amis depuis longtemps, qu’on a toujours rêvé de porter ensemble un projet. Cette complicité vient aussi du fait que Neil est un merveilleux comédien, ouvert, très réactif, avec un imaginaire immense. Le jeu, c’est une affaire de répondant, quand les acteurs prennent plaisir à jouer ensemble, c’est gagné.
4) Étonnamment dans Cockpit, le mixage s’éloigne des productions audiovisuelles : il y a un véritable travail sur la panoramique et la distance entre les personnages. C’est surprenant car de nombreuses créations actuelles ne font pas attention à ce détail qui change pourtant tout. De quoi ça vient selon vous ? Une envie lors de la réalisation ? Vous écoutez de la fiction audio et vous vous en êtes inspiré ?
L’immersion sonore de Cockpit, c’est sa plus-value. Dès que l’idée de cette fiction est venue, il a tout de suite été clair qu’il fallait mettre l’accent sur ça. J’ai toujours été un peu déçu des fictions sonores, pour être honnête, je n’en écoute pas des masses. Je trouve ça toujours un peu plat. Je ne voulais pas que Cockpit soit une histoire « bruitée », je voulais que Cockpit soit un film audio qui vous pousse à créer vos propres images. Pour arriver à cela, il fallait pousser les curseurs au maximum. Spatialiser. Donner des indices au cerveau pour le pousser à agir par lui-même. C’est le cas dans la littérature. On imagine toujours la lecture comme quelque chose de silencieux et figé. Lire c’est convoquer l’intégralité de ses sens. Si le livre nous entraine dans une scène d’inflitration en plein Tokyo, très vite le cerveau va inventer l’atmosphère sonore, l’odeur, le stress omniprésent lié à la situation, le coeur va alors s’emballer, vos mains seront moites. Le cerveau va nous investir corporellement dans la scène. C’est exactement ce qu’on a voulu faire avec Cockpit. On va aller plus loin pour la saison 2.
Si l’immersion est si bien réussie dans Cockpit c’est grâce à mon ami Lou, un magicien, le meilleur technicien de la bordure extérieur. Ensemble, on donne vie à l’univers, au Yop D-505. Sans lui, cockpit serait probablement une de ces fictions pleines de bonnes idées mais sans relief.
5) Le projet de vos rêves à l’audio, c’est quoi ? Il va se réaliser ?
Mon projet de rêve à l’audio, c’est Cockpit ! J’ai toujours rêvé de créer un univers de science fiction, je ne compte pas le lâcher de si tôt. Maintenant j’aimerais qu’il se poursuive, qu’il grandisse.
Mon plus grand rêve finalement, ça serait de pouvoir repousser les limites du son, créer quelque chose dont les auditeurs se souviendront, une attraction dans vos oreilles.
Vivement la saison 2.
Je remercie énormément Alex qui a pris le temps de répondre à ces questions, j’espère que vous trouverez ces infos aussi intéressantes qu’elles m’ont passionné à leur découverte.
COCKPIT
les plus
- L’écriture excellente qui crée une belle complicité entre les deux personnages principaux
- Le mixage est excellent et en stéréo (suffisamment rare sur ce genre de projet qui sonne très « audiovisuel » pour le souligner)
les moins
- RAS