Mettons-nous d’accord dès le début : il est tout à fait possible de se lancer dans la création sonore sans acheter de matériel, c’est d’ailleurs ce qui explique que le média « fiction sonore » soit aussi accessible.
Cependant quand on devient passionné, on a souvent envie d’avoir du nouveau matériel pour tester de nouvelles choses et/ou avoir un rendu plus précis. Cet article a pour but de présenter plusieurs manières d’enregistrer et sera illustré d’extraits sonores pour vous permettre de les comparer.
Mais mon premier conseil restera : n’achetez pas du matériel de pro pour vos débuts en vous disant que le résultat sera incroyable, cela risque d’être complètement le contraire.
1/- Théorie de la chaîne du son
Sans entrer trop dans les détails, je pense qu’il est important d’avoir dans sa tête un schéma assez clair de ce qu’on appelle « la chaine du son » c’est à dire tout ce par quoi le son va passer entre sa prise et sa diffusion. En gros il vous faut : un micro, une interface qui va amplifier et convertir le signal analogique en signal numérique, un enregistreur et enfin un sytème d’écoute. Comme je l’ai annoncé au début de cette série de tutoriels, j’ai envie de réaliser mes propres schémas. Je fais partie de ces gens qui comprennent mieux avec un dessin en voici donc un avec un code couleur qui sera utilisé tout au long de ce tutoriel :
2/- Les solutions « Tout en un«
Certains appareils vont contenir ces 4 éléments et on n’y pense pas souvent mais il y en a même plusieurs que nous possédons tous chez nous !
a) un téléphone
La première fois qu’une actrice m’a annoncé qu’elle allait enregistrer ses voix via son téléphone, j’ai eu un peu peur. Et pourtant, son enregistrement était parfait et s’est très bien intégré à mon épisode, bien mieux que d’autres voix enregistrées par exemple sur des micros USB qui ajoutent souvent un bruit de fond gênant.
Le téléphone est une solution vraiment pratique… si tant est qu’on fasse bien attention à la manière d’enregistrer !!! (nous détaillerons davantage ce point dans le prochain article mais en fait il s’agit surtout de faire attention au volume pour ne pas saturer et de se tenir à une distance cible : pas trop prêt pour éviter les plosives – POPS – et pas trop loin pour limiter la capture de la réverbération). On a dans la poche un outil complet pour quiconque veut se lancer dans la fiction, le podcast… Je pense notamment au copain Bengir qui enregistre son excellent podcast « La diagonale du vide » avec son téléphone car les personnes qu’il rencontre n’y prêtent pas attention. Cela lui permet de capturer des réactions naturelles (et donc touchantes).
Pour chaque système présenté dans cet article je vais proposer un petit enregistrement reprenant les différents points expliqués, on commence avec mon téléphone (iPhone XR, je suis une victime de chez Apple) :
b) un ordinateur
De la même manière, votre ordinateur possède lui aussi un micro interne. Bien souvent à coté de la webcam, il faut cependant vérifier son emplacement sur la doc de votre pc pour ne pas parler au mauvais endroit. La position d’enregistrement risque d’être plus inconfortable qu’avec le téléphone.
Je suis assez satisfait du rendu de mon enregistrement en terme de réverbération, on ne l’entend quasiment pas. Par contre, il y a un truc qui se passe parfois dans les fréquences mi-hautes qui donne une sibilance (sifflement sur les sons en « sssss ») assez désagréable :
c) un enregistreur portatif
On parle aussi d’un Zoom, par abus de langage dans le monde de la création sonore. Zoom c’est une marque d’enregistreurs portatifs, il y en a d’autres Je possède la version H4n depuis 8 ans et vous comprendrez, aux marques de coups sur le boitier, qu’il me suit partout, tout le temps et que je le malmène un peu (il a même été faire un tour dans les carrières « catacombes » parisiennes). C’est vraiment un super appareil, plutôt accessible : compter 220€ pour la version Pro qui remplace maintenant le H4N mais moins de 100 pour la version H1n qui est déjà très bien.
L’enregistreur possède un couple de micros installés en XY (voir photo) mais aussi deux entrées en bas de l’appareil pour y brancher d’autres sources. J’utilise surtout mon zoom pour enregistrer des ambiances sonores mais je l’ai aussi employé pour ma voix dans la fiction Le Vaisseau car le couple de micros permet d’enregistrer en stéréo !
Il faudra bien faire attention à vérifier quelle entrée est sélectionnée avant d’enregistrer, qu’une carte SD est bien présente dans l’appareil, que les piles sont chargées et surtout qu’on a bien appuyé une seconde fois pour lancer l’enregistrement. Certains riront jaune.
Zoom H4n
Les plus
- Rendu très naturel
- Enregistrement en stéréo
- Des dizaines d’options, d’effets…
Les moins
- Très sensible aux bruits de manipulation et au vent
- Fonctionne sur piles
- C’est un investissement (=250€)
A partir de cet enregistrement j’ai placé devant chaque micro présenté un filtre « anti-pop » pour limiter les arrivées trop importantes d’air soufflé sur le capteur. C’est un accessoire indispensable que vous trouverez pour une vingtaine d’euros, il existe aussi de nombreux tutoriels pour en fabriquer (avec des collants). Pour un enregistrement en extérieur pensez à prévoir une bonnette pour les mêmes raisons (mais l’air ne vient pas de votre bouche mais du vent cette fois).
3/- Le Home-Studio
a) l’interface – la carte son
Les ordinateurs possèdent tous, sur leur carte mère, un processeur dédié à la gestion du son. Dans les années 90 on pouvait ajouter une carte dans le boitier de son PC pour « avoir un meilleur son ». J’ai longtemps utilisé la mythique EMU 0404 (qui traîne toujours dans un de mes tiroirs). Dans les années 2000, ces cartes sont devenues des boitiers reliés en USB, posés sur le bureau des home-studistes. Elle se ressemblent à peu près toutes et possèdent un nombre d’entrées (micros, instruments…) variable ainsi qu’au moins 2 sorties vers les écoutes de type enceinte et une sortie pour le casque.
J’utilise depuis 4 ans la Steinberg UR242 qui est du même constructeur que mon logiciel de montage (Cubase, à découvrir dans l’article 10) et qui possède toutes les options dont j’ai besoin pour mon utilisation « light » : 2 entrées, 4 sorties + casque et une latence très faible qui me permet de jouer du piano facilement. Elle n’est cependant pas donnée (presque 200€) et beaucoup conseilleront la Focusrite Scarlett qui est vraiment excellente et moins chère (100€).
Ces deux cartes possèdent une fonction très importante pour un certain type de micro : l’alimentation Phantom, ou Fantôme ou +48v qui va permettre d’alimenter les micros dits statiques (voir plus bas). Pour cela, on active le petit bouton +48v et un voyant va s’allumer sur la carte.
b) les micros
Sony MS907 (stéréo à condensateur electret)
Sony MS907
Les plus
- Pas très cher
- Se branche directement sur l’ordinateur sans besoin d’une interface
- Très petit et léger
Les moins
- Bruit de fond un peu élevé
- Il faut penser à avoir des piles de rechange
Shure SM57 (dynamique)
Shure SM57
Les plus
- Accessible (=100€)
- Ne prend pas de place
- Ne nécessite pas d’alimentation
Les moins
- Basses peu profondes
Sennheiser MD21U (dynamique)
Sennheiser MD21U
Les plus
- Peu sensible aux bruits de manipulation, au vent…
- Ne nécessite pas d’alimentation
- Excellent rendu en extérieur
Les moins
- Ultra cher neuf (=450€)
T-Bone SC450 (statique à large membrane)
T-Bone SC450
Les plus
- Rendu très réaliste/naturel
- Donne de la profondeur aux voix
- Reste très accessible (=75€)
Les moins
- Nécessite une alimentation phantom (+48v)
- Sensible au moindre bruit
Prodipe ST1 Lanen (statique à large membrane)
Prodipe ST1 Lanen
Les plus
- Rendu très réaliste/naturel
- Donne de la profondeur aux voix
- Mon préféré du moment
Les moins
- Nécessite une alimentation phantom (+48v)
- Sensible au moindre bruit
c) l’enregistreur
Ici, c’est mon ordinateur qui a tenu ce rôle. Nous parlerons du logiciel Cubase dans l’article 10 mais des applications simples comme Audacity vous permettent de faire la même chose. Il faudra faire bien attention au volume d’entrée pour ne pas saturer (généralement un voyant rouge va s’allumer sur votre station de travail si vous saturez) nous verrons cela dans le prochain article.
Le zoom H4n aurait lui aussi tout a fait pu enregistrer ces extraits, y compris pour les micros statiques car l’appareil propose une alimentation phantom.
d) le système d’écoute
Certains feront le mixage mastering sur des enceintes, d’autres au casque, moi j’aime passer de l’un à l’autre. J’ai acheté une paire d’enceintes de contrôle (Yamaha HS50m) avec mon premier salaire en 2005 et je les utilise encore tous les jours aujourd’hui. Elles n’ont pas bougé. J’aime leur rendu clair et leur esthétique sur mon bureau (je suis très superficiel, je sais). Pour le casque, j’ai depuis quelques années l’excellent DT 770 Pro de Beyerdynamic (la version 250 ohms) qui m’avait été conseillé par le grand maître sondier Blast. Il est très agréable à porter, même pendant des heures, et son rendu est très naturel.
J’en parlerai réellement dans le 25ème article mais ces écoutes sont « plates » et il faudra aussi passer votre création dans des systèmes son plus classiques pour vous rendre compte du rendu de votre travail sur un matériel où certaines fréquences sont volontairement gonflées (les basses et certains aigus).
4/- Bilan
L’important dans l’histoire ce n’est pas d’avoir une collection de micro (qu’on accumule avec le temps !) mais de trouver celui qui vous correspond et que vous savez utiliser correctement dans les meilleurs conditions possibles.
Parfois, se contenter du matériel qu’on possède est suffisant, il ne faut alors envisager un achat que lorsqu’on en comprend l’utilité !